Le congé menstruel, bonne idée ou mesure contre-productive
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Le congé menstruel, bonne idée ou mesure contre-productive

L'Espagne pourrait devenir le premier pays d'Europe à instaurer un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Si en France une partie des femmes se disent favorables à cette mesure, d'autres pointent les risques de discrimination qu'elle pourrait induire.

Plus fatiguées, moins productives en raison de leurs douleurs qui irradient parfois jusque dans les jambes ou le dos", certaines femmes se disent favorable à la mise en place du congé menstruel, afin de s'assurer de ne "pas perdre de salaire".

Toutefois, pour l'association française "Osez le féminisme", ce congé est une "fausse bonne idée". "Cela peut soulager les personnes qui subissent des douleurs indisposantes, et +visibiliser+ l'endométriose, qui était jusqu'à récemment cachée", assure Fabienne El-Khoury, chercheuse en santé publique et porte-parole de l'association.

Mais "par cette unique solution, on dit aux femmes +ok, rentrez, souffrez chez vous+", estime-t-elle. "On ne fait pas l'effort nécessaire pour soigner les maladies sous-jacentes qui causent ces douleurs", et le diagnostic de l'endométriose est souvent tardif, faute de "moyens alloués à la recherche".

Pour Caroline Mouriquand, avocate en droit du travail, "l'initiative est louable, mais elle peut desservir les femmes en créant une discrimination à l'embauche". "Si on suivait le modèle espagnol, on leur offrirait 50% de congés payés supplémentaires" à raison de trois jours par mois, observe Me Mouriquand, une situation qui peut créer, selon elle, des "tensions et une frustration en augmentant la charge de travail des collègues".

Cela "peut poser des problèmes en matière d'égalité femmes-hommes", avec des salariés non concernés qui pourraient se sentir "lésés", renchérit Jean-Marc Morel, expert Ressources humaines.

"Et qui paie?" s’interroge M. Morel. "Les mesures spéciales d’arrêt maladie en raison du Covid-19 par exemple étaient mises en places par l’Etat, donc payées par la Sécu. Or dans le cas d'un accord d'entreprise, le congé menstruel payé à la salariée et son remplacement sur le poste sont à la charge de l'employeur, en l'absence de loi.

Fabienne El-Khoury, elle aussi inquiète pour le secret médical des salariées, imagine l'annonce anticipée de la grossesse d'une salariée: "Si d'un coup, elle ne prend plus son congé menstruel car elle est enceinte, elle serait contrainte de l'annoncer" contre son gré.

De son côté, "pour protéger les femmes dans cette situation, sans les stigmatiser ni rompre le secret médical", la CGT, un des principaux syndicats de salariés de France, "ne revendique pas de droit à congé spécifique mais demande tout simplement la fin des jours de carence existants".

Dans certains pays asiatiques le "congé menstruel" pour les femmes souffrant de règles douloureuses est un droit encore rare.

En Espagne le gouvernement de gauche espagnol a présenté le 17 mai un projet de loi pour créer un "congé menstruel", qui serait sans durée limite mais qui devrait être validé par un médecin.

Au Japon, le droit au congé menstruel est inscrit dans la loi depuis 1947: les entreprises ne peuvent forcer une employée à travailler si elle demande à être en "congé menstruel". Il n'y a pas de limite au nombre de jours qui peuvent être pris pour ce type de congés mais ils ne sont généralement pas payés et 30% des entreprises proposent de rembourser entièrement ou partiellement ces congés périodiques.

En Corée du Sud, les employées sont autorisées à prendre un jour de congé menstruel par mois, qui n'est pas payé. Les entreprises qui ne respectent pas la loi sont passibles d'une amende de 5 millions de won, soit environ 3.750 euros.

En Indonésie, une loi adoptée en 2003 prévoit un ou deux jours de congés payés en début de cycle menstruel, en cas de règles douloureuses. La loi oblige seulement les employées à notifier à leurs employeurs la date de prise de ces congés. Mais la mise en oeuvre dans le détail est laissée aux entreprises et à leurs salariés. Dans la pratique, beaucoup d'entreprises n'autorisent qu'un seul jour de congé menstruel ou même aucun en choisissant d'ignorer la loi.

Taïwan reconnaît également le droit au congé menstruel pour les employées dans la limite d'un jour par mois et d'un total de trois jours par an. Il reste toutefois possible pour les salariées de bénéficier de plus de jours de congés menstruels, mais ils sont alors comptabilisés comme des jours de congé maladie normaux. Les congés menstruels sont remboursés, tout comme les congés maladie, comme des demi-journées travaillées.

Pays d'Afrique australe, la Zambie a adopté en 2015 une loi accordant aux femmes le droit à un congé menstruel qui leur permet de prendre un jour de congé supplémentaire par mois, sans préavis ni certificat médical en cas de règles douloureuses. Surnommé dans le pays "fête des mères", le congé menstruel est généralement accepté mais certains employeurs restent réticents et demandent par exemple que les femmes donnent un préavis.

Plusieurs entreprises à travers le monde offrent la possibilité à leurs employées de prendre des "congés règles". Le mouvement est récent avec des annonces faites ces derniers mois ou années. Ainsi, le fonds de pension australien Future Super, l'entreprise de livraison indienne Zomato ou encore le fabricant français de mobilier Louis Design proposent six, dix ou 12 jours de congés payés supplémentaires par an à leurs employées souffrant de règles douloureuses.

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